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Le plan factoriel (« factorial design ») est un plan d’expérience qui répond à deux questions différentes avec le même essai. Il permet un gain de temps et une « économie en patients ». Pour atteindre correctement son but, il est nécessaire que les traitements n’interagissent pas entre eux. Autrement, le plan factoriel perd sa puissance et se retrouve dans l’impossibilité de répondre à aucune des deux questions (1).
Le plan factoriel est l’utilisation des
mêmes patients pour effectuer simultanément deux comparaisons. La
première comparaison est celle du traitement A à son placebo, et
la seconde celle
· ¼ des patients recevront le traitement A et le traitement B
·
¼ recevront le traitement A
et le placebo
· ¼ recevront le placebo du traitement A et le traitement B
· ¼ recevront le placebo de A et le placebo de B
En pratique, la randomisation des patients se fait directement entre ces quatre groupes afin d’assurer l’équilibre des effectifs. Au total, la moitié des patients reçoit le traitement A et l’autre moitié le placebo de A. De même, la moitié des patients reçoit le traitement B et l’autre moitié le placebo de B.
La comparaison du traitement A à son placebo s’effectue en comparant tous les patients recevant A à tous ceux recevant son placebo. Ainsi A est comparé à son placebo chez des patients qui reçoivent B ou le placebo de B. La moitié des patients du groupe traité avec A reçoivent B et l’autre moitié le placebo de B. la même répartition est obtenue dans le groupe traité avec le placebo de A. La condition nécessaire pour que cette comparaison soit licite est que A et B agissent de façon indépendante. Ce mode d’analyse est appelée analyse factorielle car elle ne s’intéresse qu’aux facteurs principaux du plan factoriel : les deux traitements A et B.
Le même principe est appliqué
pour la comparaison
Figure 1 – Répartition des patients dans un essai en plan factoriel
L’analyse statistique d’un plan factoriel se fait en deux étapes. La première étape est la recherche d’une interaction (cf. infra). En l’absence d’interaction, l’effet des traitements est recherché en ajustant sur l’autre traitement. Pour cela une analyse stratifiée est réalisée où l’effet du traitement est déterminé dans chacune des deux strates définies par la nature de l’autre traitement, puis une sorte de méta-analyse de ces deux résultats est réalisée (2). La signification statistique du résultat est recherchée par un test statistique stratifié comme, par exemple, le test de Mantel Haenszel ou un test du Logrank stratifié pour les données de survie. Une autre possibilité est de faire une analyse multivariée à l’aide d’une régression logistique ou d’un modèle de Cox, en incluant dans le modèle les deux traitements et leur interaction.
Lorsque le critère de jugement est continu, une analyse de variance à 2 facteurs peut être réalisée, mais nécessite l’égalité des effectifs des 4 groupes (ou leur proportionnalité).
Dans la recherche de l’effet traitement, les deux strates qui sont regroupées peuvent avoir des niveaux de risque différents. Cette éventuelle différence est induite par le deuxième traitement. La stratification de l’analyse augmente la puissance des tests et la précision des estimations en prenant en compte la variabilité introduite par le deuxième facteur. La variabilité au sein de chaque strate est inférieure à la variabilité observée globalement lorsque l’on ne tient pas compte du deuxième facteur.
Un autre intérêt de l’ajustement est de corriger l’estimation d’un éventuel biais de confusion (similaire au paradoxe de Simpson, cf. chapitre Méta-analyse). Cependant l’équilibre des effectifs induit par la randomisation limite la survenue de ce type de biais. Le plus souvent, l’analyse simple non ajustée donne un résultat très proche de celui de l’analyse ajustée.
Deux traitements A et B sont évalués par un plan factoriel. Les résultats obtenus sur le critère de jugement principal sont rapportés dans le tableau ci-dessus.
Tableau 1 – Résultat d’un essai en plan factoriel (N désigne l’effectif du groupe, n le nombre d’événements)
n/N |
Traitement B N=1000 |
Placebo
B N=1000 |
Traitement A |
98/500 |
109/500 |
Placebo A |
112/500 |
123/500 |
L’estimation de l’effet du traitement A s’effectue de la manière suivante :
Tableau 2 – Estimation de l’effet du traitement A
|
A |
placebo de A |
RR
(IC95%) |
|
strate B |
98/500 |
112/500 |
0,87 |
|
strate placebo de B |
109/500 |
123/500 |
0,89 |
|
résultat ajusté |
|
|
0,88 |
p=0,13 |
résultat
non ajusté |
207/1000 |
235/1000 |
0,88 |
p=0,15 |
La dernière ligne de ce tableau rapporte le résultat de l’analyse non ajustée calculé directement en regroupant les deux strates B et placebo de B.
Pour le traitement B, les analyses brutes et ajustées obtiennent des résultats non significatifs.
Tableau 3
– Estimation de l’effet
|
B |
placebo de B |
RR
(IC95%) |
|
strate A |
98/500 |
109/500 |
0,90 |
|
strate placebo de A |
112/500 |
123/500 |
0,91 |
|
résultat ajusté |
|
|
0,91 |
p=0,24 |
résultat
non ajusté |
219/1000 |
232/1000 |
0,91 |
p=0,26 |
Il y a interaction quand l’effet de l’association des traitements n’est pas la « somme »[1] des effets des traitements. En cas d’interaction, l’effet d’un traitement varie suivant qu’il est ou pas associé à l’autre.
Deux traitements sont aussi évalués dans un plan factoriel. Le tableau ci-dessus présente les résultats obtenus avec le critère de jugement principal.
Tableau 4 – Résultat d’un essai dans lequel existe une interaction (N désigne l’effectif du groupe, n le nombre d’événements)
|
Traitement B N=1000 |
Placebo
B N=1000 |
Traitement A N=1000 |
98/500 |
130/500 |
Placebo A N=1000 |
112/500 |
123/500 |
Le calcul de l’efficacité de A en présence ou en absence de B révèle l’existence d’une interaction car l'effet de A varie en fonction de l’association ou non du traitement A au traitement B.
Tableau 5 – Mise en évidence de l’interaction dans la recherche de l’effet du traitement A
|
r1 |
r0 |
RR |
Effet
de A en présence de B |
0,20 |
0,22 |
0,88 |
Effet
de A en l'absence de B |
0,26 |
0,25 |
1,06 |
L’existence de cette interaction est aussi révélée en calculant l’effet de B en présence ou en absence de A.
Tableau 6
– Mise en évidence de l’interaction dans la recherche de
l’effet
|
r1 |
r0 |
RR |
Effet
de B en présence de A |
0,20 |
0,26 |
0,75 |
Effet
de B en l'absence de A |
0,22 |
0,25 |
0,91 |
L’existence d’une interaction empêche l’estimation simultanée de l’effet des deux traitements sur l’ensemble des patients du plan factoriel. Comme l’efficacité d’un traitement est variable en fonction de l’association ou non à l’autre traitement, il convient de maintenir les quatre groupes séparés. De plus, l’analyse stratifiée donne des estimations biaisées de l’effet de chaque traitement. Trois estimations sont alors nécessaires pour caractériser l’ensemble des effets de A et B :
1. A vs PBO
A + PBO B,
2. B vs PBO
A + PBO B,
3. A+B vs PBO
A + PBO B.
Cependant, les effectifs n’ont pas été calculé pour réaliser ces comparaisons. La recherche des effets s’effectue alors avec la moitié de l’effectif nécessaire et manque de puissance. Certains essais, pour éviter d’être dans cette situation en cas d’interaction, adoptent des tailles d’échantillons suffisantes pour garantir la puissance de l’analyse séparée des groupes.
Exemple
GISSI-prevenzione est un essai comparant dans
un plan factoriel l’huile de poisson (n-3 PUFA) et
L’existence d’une interaction se recherche de différente manière : test d’interaction de l’effet traitement entre les strates d’ajustement (équivalent à un test d’hétérogénéité en méta-analyse), test de Zelen d’homogénéité des odds ratio, terme d’interaction dans un modèle multivarié. Pour les critères continus l’interaction est recherchée à l’aide de l’analyse de variance.
Une difficulté importante surgit à ce niveau. L’obtention d’un test d’interaction non significatif ne permet pas d’affirmer l’absence d’interaction. Le résultat non significatif peut être dû à un manque de puissance (l’effectif d’un plan factoriel n’est pas calculé pour garantir la puissance de la recherche de l’interaction). Cependant, un certain degré d’interaction, même s’il n’est pas significatif, peut fausser l’estimation des effets des traitements.
Il convient donc, d’analyser soigneusement les tendances obtenues dans les 3 comparaisons simples d’un plan factoriel (A vs PBO, B vs PBO, A+B vs PBO) avant d’accepter le résultat de l’analyse stratifiée (4).
Par exemple, le tableau suivant rapporte des résultats d’un plan factoriel dans lequel les deux traitements A et B réduisent chacun la mortalité de 20% (RR=0.80). Mais l’efficacité de A disparaît lorsqu’il est associé à B et vis versa. Le test d’interaction n’a pas suffisamment de puissance pour détecter l’interaction et se révèle non significatif (p=0.12). L’analyse en deux groupes du plan factoriel conduit à des estimations biaisés des effets de A et de B en donnant un risque relatif de 1 pour chacun (effet de A : 90/1000 versus 90/1000, RR=1,00 ; effet de B : 90/1000 versus 90/1000, RR=1,00)
Tableau 7 – Résultat d’un essai dans lequel l’association de deux traitements efficaces ne l’est pas.
|
A |
B |
A+B |
PBO |
risque relatif |
0,80 |
0,80 |
1,00 |
- |
effectif |
500 |
500 |
500 |
500 |
décès |
40 |
40 |
50 |
50 |
Le Tableau 8 rapporte les résultats
d’un essai (5) évaluant
simultanément
“The
sample size was based on a factorial design to test calcium versus no calcium
and vitamin D3 versus no vitamin D3. The anticipated incidence of new fractures
in the control group was 15%, based on similar trials. The aim was to enrol
4200 participants to give 80% power (2P<0·05) to detect a decrease in
incidence to 12%. Furthermore, the sample size was anticipated to have over 80%
power to identify a 2% absolute difference in rates of hip fracture.”
1. McAlister
FA, Straus SE, Sackett DL, Altman DG. Analysis and reporting of factorial trials: a systematic review. Jama
2003;289(19):2545-53.
2. Stampfer
MJ, Buring JE, Willet W, Rosner B, Eberlein K, Hennekens CH. The 2x2 factorial design: its
application to a randomized trial of aspirin and carotene in US physician. Stat
Med 1985;4:111-116.
3. GISSI-prevenzione
investigators. Dietary supplementation with n-3 polyunsaturated fatty acids and
vitamin E after myocardial infarction: results of the GISSI-prevenzione trial.
Lancet 1999;354:447-55.
4. Lubsen
J, Pocock SJ. Factorial design in cardiology: pros and cons. Eur Heart Journal
1994;15:585-588.
5. Grant
AM, Avenell A, Campbell MK, McDonald AM, MacLennan GS, McPherson GC, et al.
Oral vitamin D3 and calcium for secondary prevention of low-trauma fractures in
elderly people (Randomised Evaluation of Calcium Or vitamin D, RECORD): a
randomised placebo-controlled trial. Lancet 2005;365(9471):1621-8.
Tableau 8 – Exemple de présentation des résultats d’un plan factoriel
Interprétation
des essais cliniques pour la pratique médicale
www.spc.univ-lyon1.fr/polycop
Faculté de Médecine Lyon - Laennec
Mis à jour : aout 2009