Sommaire général

Introduction

Principe général de l’évaluation des résultats des essais cliniques

Qu’est ce qu’un résultat

Classification des résultats en faveur de l'efficacité

Les éléments de la force de conviction d’un résultat d’essai thérapeutique

Résultat faussement positif dû au hasard

Résultat faussement positif dû à un biais

Pertinence clinique

Bénéfice clinique net

Démarche hypothetico déductive

Cohérence externe

Les différents types de résultats

Intérêt thérapeutique

Cohérence externe d’un résultat

But évaluation

Conséquences des décisions basées sur des preuves imparfaites

Chapitre 1


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Bénéfice clinique net

1. Notion de bénéfice clinique net

Le bénéfice clinique net est l’outil nécessaire à l’évaluation de la safety. Il permet de faire une confrontation de l’efficacité avec la sécurité et de déterminer si, in fine, le traitement apporte plus d’avantages que d’inconvénients.

Note - L'impossible évaluation de la sécurité des traitements

Sans passer par le calcul du bénéfice net, la gestion de la sécurité est impossible pour de nombreuses raisons.

Il est impossible de *démontrer l’absence* d’effets indésirables. En effet, ce n’est pas parce qu’une différence non statistiquement significative a été obtenue sur un critère de sécurité, qu’il est possible de conclure à l’absence d’un surcroît de risque sur ce critère. L’absence de signification statistique n’implique pas l’absence de différence. Ainsi, malgré ce qui couramment fait, il est impossible de conclure à l’absence d’effet indésirable à l’issu d’un essai où aucun critère de jugement de sécurité ne sort significatif.

Cette problématique peut s’illustrer à l’aide de l’intervalle de confiance. En cas de différence non significative, la borne supérieure de l’intervalle de confiance du risque relatif est supérieure à 1, compatible avec la possibilité d’une augmentation de fréquence de l’événement indésirable considéré. Ne pouvant exclure raisonnablement un surcroît de risque, il n’est pas possible de conclure à l’absence de sur-risque. Par exemple, un risque ratio de 0.99 (IC à 95% entre 0.50 et 1.89) sur des hémorragies majeures avec un anticoagulant ne permet pas vraiment de conclure à l’absence de sur-risque hémorragique car, avec la précision de cette estimation, il n’est pas possible de raisonnablement exclure une augmentation de 89% de la fréquence des hémorragies. Une telle possibilité ne correspond pas vraiment, stricto sensu, à une absence de surrisque.

Il est aussi possible qu’un essai montre un effet délétère de manière statistiquement significatif sans que cela remette en cause l’intérêt du traitement si cet effet indésirable est rare, de gravité comparable au bénéfice recherché et ne contre-balance pas quantitativement le bénéfice obtenu. Ainsi, un résultat statistiquement significatif de défaut de sécurité n’est pas non plus un argument pour récuser automatiquement un traitement. Tout dépend de la balance numérique entre ces 2 composantes de la balance bénéfice risque.

En fait tout dépend de la balance entre le bénéfice et les risques et qui n’est appréciable qu’en passant par un calcul ou une estimation directe du bénéfice clinique net.

1.1. Bénéfice clinique net quantitatif

Le *bénéfice net* quantifie la balance entre le nombre d’événements évités par le traitement (la cible du traitement) et le nombre d’événements indésirables (de même gravité ou de gravité plus importante) induits par le traitement. La quantification s’effectue pour 100 ou 1000 patients traités en fonction des niveaux de risque.

Numériquement le bénéfice net s’exprime sous la forme d’une différence de risque (DR) obtenue par la somme de la différence de risque du critère d’efficacité et de la différence de risque du critère de sécurité. Il est aussi possible de mesurer directement ce bénéfice clinique net dans un essai en utilisant un critère composite note regroupant les évènements que l’on cherche à prévenir et les événements indésirables de même importance clinique (comme par exemple dans l'essai RE-LY).

Exemple

un fibrinolytique a été évalué versus placebo à la phase aigue de l’infarctus du myocarde. La mortalité à 30 jours (critère d’efficacité) dans le groupe fibrinolytique est de 5%, versus 10% dans le groupe contrôle; soit une différence de risque de DR1 = 5% - 10% = -5%. Le traitement de 100 patients par le fibrinolytique évite 5 décès à 30 jours.

Par ailleurs, le fibrinolytique augmente la fréquence des AVC invalidants (par AVC hémorragiques) à 2% versus 1%. Les AVC invalidants sont de gravité comparable aux infarctus mortels. S’ils surviennent en même nombre que les décès évités, ils contrebalanceraient complètement le bénéfice et rendraient le fibrinolytique sans intérêt thérapeutique. La différence de risque sur les AVC invalidant est DR2 = 2% - 1% = +1%. Le traitement de 100 patients induit 1 AVC invalidant.

Le bénéfice net est DR1 + DR2 = -5% + (+1%) = -4%. Au total le bénéfice net est favorable au fibrinolytique. Les AVC invalidants induits ne contrebalance pas le bénéfice obtenu sur la mortalité et au total, il y une réduction net de 4% des décès après déduction des AVC invalidants induits.

Bien sûr ce calcul est une approximation car il ne prend pas en compte la co-survenue chez un même patient des 2 types d’événements. Seul l'estimation du bénéfice absolu par un critère composite le permet. Mais cependant, l’approximation effectuée ici est conservatrice est ne peut pas surestimer le bénéfice net.

Il est indispensable de prendre en compte les incertitudes statistiques existantes sur ces estimations et de calculer l’intervalle de confiance du bénéfice net. Par exemple, pour un bénéfice conduisant à une DR = -1,66% IC 95% (-2,52%; -0,79%), et pour un effet délétère de DR = 0,47% IC 95% (0,05%; 0,89%), le bénéfice clinique net débouche sur une DR=-1,19% avec un IC95% entre -2,15% et -0,23%.

En fonction de la signification statistique du bénéfice net plusieurs cas de figure se présentent (voir les sections suivantes) :

  • Bénéfice net favorable et statistiquement significatif (DR<0, significatif)
  • Bénéfice net favorable mais non significatif (DR<0, NS)
  • Bénéfice net défavorable (DR>0, NS ou significatif)
  • Intervalle de confiance très large (aucune conclusion possible)
Bénéfice net favorable démontré DR<0, significatif Ce bénéfice n'est pas susceptible d'être contre balancé quantitativement par des effets indésirables de même gravité
Bénéfice net favorable mais non significatif DR<0, NS Il n'est pas exclus que ce bénéfice puisse être contre balancé quantitativement par des effets indésirables de même gravité rendant le bénéfice net nul ou défavorable
Bénéfice net défavorable DR>0, NS ou significatif
bénéfice net défavorable qualitativement
Défaut de safety sans aucun bénéfice en regard

Une difficulté de cette approche est de mettre de part et d’autre de la balance bénéfice risque, des événements de gravité clinique comparable. Il faut qu’en termes d’embêtement pour le patient, d’altération de la fonction, de mise en jeu du pronostic vital, les événements pris pour mesurer le bénéfice et le risque soient comparables. En général, le choix du critère pour le bénéfice est imposé par le design de l’étude sous la forme du critère de jugement principal. Il est alors nécessaire d’identifier parmi les évènements indésirables rapportés ceux qui sont, au moins, de même gravité et qui pourraient contre-balancer le bénéfice.

1.2. Bénéfice net qualitatif

Indépendamment de la problématique de l’équilibre numérique, des effets indésirables peuvent aussi remettre en question l’intérêt thérapeutique d’un traitement s’ils sont de gravité bien supérieure au bénéfice apporté. C’est le cas, par exemple, avec des effets indésirables potentiellement mortels pour un traitement antalgique mineur utilisé en petite traumatologie. Le risque est alors *qualitativement* disproportionné par rapport au bénéfice. Aucune quantification n’est nécessaire et c’est simplement un jugement de valeur qualitatif qui amène à la décision.

2. Le bénéfice n'est pas susceptible d'être contre balancé quantitativement par des effets indésirables de même gravité

Le bénéfice clinique net est favorable et statistiquement significatif (DR<0, p<0.05). Il est donc démontré que les événements indésirables pris en considération dans le calcul du bénéfice net ne sont susceptibles de remettre en cause ce bénéfice (Figure 2, situation 1). Les résultats de cet essais démontrent que, quantitativement, la balance bénéfice risque est favorable. La différence de risque (DR) calculée pour le bénéfice clinique net est favorable (DR<0) et statistiquement significatif. Il est donc statistiquement démontré que les évènements indésirables considérés ne remettent pas en cause quantitativement le bénéfice.

Par exemple, avec les données du tableau suivant, le calcul du bénéfice clinique net donne une DR de -4.4%, IC à 95% entre -8.4% et -0.4%.

Critère groupe traité groupe contrôle différence des risques (IC à 95%)
critère de bénéfice 230/1201 287/1207 -4.6% [-7.9%;-1.4%]
critère de sécurité 113/1201 111/1207 0.2% [-2.1%;2.5%]
bénéfice clinique net -4.4% [-8.4%;-0.4%]

Il faut cependant ne pas trop personnaliser ce bénéfice clinique et veiller à ne pas faire de sur-interprétation. Ainsi il est excessif de dire qu’en cas de bénéfice clinique net favorable, le nombre d’événements évités est supérieur au nombre d’événements indésirables induit et le traitement bénéficie à un nombre de patients supérieur à celui de ceux auxquels il nuit. En effet il est impossible d’identifier ces patients (qui ont bénéficier ou pâtis du traitement).

Les nombres observés ne sont que l’expression de probabilité au niveau d’un groupe. Ainsi si on obtient un bénéfice se traduisant par une différence de risque de -5%, cela signifie que un groupe de 100 patients on aura, en moyenne, 5 évènements de moins sous traitement que sans traitement, mais cela ne veux pas dire que seulement 5 sujets bénéficie du traitement. Ces 5 sujets sont simplement la traduction sur un groupe d’une probabilité de faire l’événement passant par exemple de 20% à 15%.

Ce type de résultats ne permet pas de dire que dans le groupe initial il y avait 5% de patients répondant au traitement et que ceux qui feront quand même l’évènement même sous traitement sont des non-répondeurs.

En fait une hypothèse de ce type (existence de répondeurs/non-répondeurs) conduit exactement au même résultat qu’une situation où tous le patients bénéfices du traitement avec un risque diminué pour tous.

Les résultats d’un essai ne permettent pas de discerner ces 2 hypothèses (qui conduisent aux mêmes résultats en fréquence). Le premier modèle (existence de répondeurs) ne peut être validé qu’en montrant qu’il est possible d’identifier a priori, et de manière reproductible, les sujets à coup sûr répondeurs des non-répondeurs. En l’absence d’une telle démonstration, les principes scientifiques, principes de parcimonie ou du rasoir d’Occam, impose de retenir que le modèle le plus général, c'est-à-dire le moins spéculatif (faisant le moins de sous hypothèses), c'est-à-dire celui du bénéfice pour tous.

Ainsi, a priori, lorsque l’on initie un traitement chez un patient, il aura une probabilité plus forte d’en bénéficier que d’avoir un EI, il a donc, au total, une probabilité positive d’en tirer un bénéfice. Pour une discussion de cette transposition des résultats moyens d’un essai à l’échelon individuel cf. la fiche concept ???.

3. Il n'est pas possible d’exclure que ce bénéfice puisse être contre-balancé quantitativement par des effets indésirables de même gravité rendant le bénéfice net nul ou défavorable

Il existe une tendance non significative à un bénéfice net favorable (DR<0 NS)

Ce résultat est démontré et cliniquement pertinent, mais le calcul du bénéfice net ne permet pas de raisonnablement exclure que les événements indésirables puissent complètement contre-balancer le bénéfice (Figure 2, situation 2).

En effet, le calcul du bénéfice net ne permet pas d’exclure, raisonnablement avec un degré de certitude de 95%, que le nombre d’événements indésirables induit soit supérieur au nombre d’événements cibles évités. La borne supérieure de l’intervalle de confiance de la différence de risque du bénéfice clinique net est supérieure à zéro, compatible avec un bénéfice net défavorable (plus d’EI engendrées que d’événements évités).

Par exemple, avec les données du tableau suivant, le calcul du bénéfice clinique net donne une DR de -3.0%, IC entre -7.0% et 1.0%.

Critère groupe traité groupe contrôle différence des risques (IC à 95%)
critère de bénéfice 241/1201 287/1207 -3.7% [-7.0%;-.4%]
critère de sécurité 107/1201 99/1207 0.7% [-1.5%;2.9%]
bénéfice clinique net -3.0% [-7.0%;1.0%]

Cette situation provient du fait que l’incertitude statistique sur la fréquence des événements indésirables induits est très importante, ce qui se rend à son tour, incertaine l’estimation du bénéfice net. Compte tenu de cette incertitude et malgré le bénéfice démontré, l’intervalle de confiance de l’estimation du bénéfice net est très large et la borne supérieure devient positive. Il n’est pas possible de conclure, avec suffisamment de certitude, à une balance bénéfice risque acceptable. Les données ne permettent pas de démontrer que le bénéfice est quantitativement supérieur au risque.

4. Bénéfice net défavorable, suggéré ou démontré (DR>0, NS ou p<0.05)

Le calcul du bénéfice clinique net débouche sur une différence de risque défavorable (DR>0), en faveur d’un surcroît possible d’événements indésirables supérieur quantitativement aux évènements évités par le traitement. La différence de risque du bénéfice net est défavorable de manière statistiquement significative ou non (Figure 2, situation 3 et 4). En raison de l’application du principe de précaution en sécurité, ce résultat n’a pas besoin d’être statistiquement significatif pour être considéré comme devant être pris en compte au niveau décisionnel.

1 - Figure 1 -

Par exemple, avec les données du tableau suivant le calcul du bénéfice clinique net donne une DR = +2.9%, IC 95% entre -0.9% et 6.7%.

Critère groupe traité groupe contrôle différence des risques (IC à 95%)
critère de bénéfice 79/1201 106/1207 -2.2% [-4.3%;-0.1%]
critère de sécurité 260/1201 200/1207 5.1% [1.9%;8.2%]
bénéfice clinique net 2.9% [-0.9%;6.7%]

Il faut cependant remarquer qu’une différence des risques positive avec un intervalle de confiance très large est non informative et peut ne pas correspondre à un réel bénéfice net défavorable. Cependant la largeur de l’intervalle de confiance montre que l’on ne connaît pas avec suffisamment de précision la *sécurité* pour s’assurer que le bénéfice clinique net est acceptable. Il est donc inutile de différentier ce cas des autres recouvert par cette situation, car en pratique la conclusion reste la même : le bénéfice observée ne peut pas être accepté comme une preuve de l’intérêt thérapeutique du traitement.

2 - Figure 2 - Illustration graphique des différentes situations concernant le bénéfice clinique net

5. Bénéfice net défavorable qualitativement

Ce bénéfice démontré ne se traduit pas en un bénéfice clinique net pour le patients en raison du risque encouru d’un (ou de plusieurs) évènements indésirables dont la gravité est disproportionnée par rapport au bénéfice apporté.

Le bénéfice apporté par le traitement est donc contrebalancé qualitativement par ces évènements indésirables. Ces événements indésirables contre-balançant le bénéfice peuvent avoir été montrés par cet essai ou une autre étude (par exemple observationnelle) ou simplement observé dans le cadre de la pharmacovigilance.

6. Ce résultat a été obtenu sur un critère qui est déjà un critère de bénéfice net

Ce résultat a été obtenu sur un critère qui intègre par essence le bénéfice et le risque (critère composite de bénéfice clinique net ou mortalité totale). Il n’est donc pas nécessaire de faire un calcul de bénéfice clinique net, ce résultat en est une estimation directe. Un résultat statistiquement significatif sur ce critère apporte la démonstration d’un bénéfice non contrebalancé quantitativement par des effets indésirables de gravité comparable.

Les décès de toutes causes est un critère de ce type. A partir du moment où il est démontré que le nouveau traitement apporte une réduction de mortalité globale, il ne devient plus nécessaire de s’interroger sur des effets indésirables de même gravité, étant donné que ces événements indésirables sont intégrés directement dans ce critère. Il convient cependant s’il existe un possible surcroît de décès par évènements indésirable de prendre en compte cette information, si par exemple il existe un autre traitement d’efficacité similaire avec un meilleur profil de sécurité.

× ATTENTION - Ce site est un prototype proposé uniquement comme démonstrateur du concept. Ce document est un brouillon inachevé présent uniquement pour tester la cohérence technique du prototype. Merci de votre compréhension.